Pourquoi il y a deux poids deux mesures


C’est bizarre, les interprétations de certaines situations dans le monde du football. Voyez le Sporting de Charleroi, grand défenseur de la veuve et de l’orphelin qui mène une belle croisade au nom de la sécurité dans les stades. Noble cause, personne ne le niera, et certainement pas moi. Mais cette noble cause est-elle la seule ? Il est permis d’en douter à l’analyse de certains faits ou déclarations dans lesquels s’entrechoquent intérêts général et partisan.

Le 26 décembre 2015, à 0-0, le match Charleroi-Genk est interrompu suite à une panne d’électricité qui déclenche un message préenregistré d’évacuation du stade. Problème d’organisation, donc, et responsabilité du club organisateur engagée. Le match reprend et le Sporting local l’emporte 1-0. Jamais Genk ne s’est plaint de cet avatar ou n’est allé en justice pour obtenir sur tapis vert ce qu’il n’a pu obtenir sportivement.
Deux mois plus tôt, Charleroi s’estimait pourtant lésé par une interruption de Charleroi-Standard à la 83e minute, suivie d’un renversement de score en faveur des Rouches.
Donc, à issue favorable, zèbres binamés ; à score défavorable, zèbres procéduriers.
Mais c’est pas tout, mais c’est pas tout, comme chantait Bourvil. La tactique du nouveau gendarme de la Pro League, c’est d’être à cheval sur le règlement, du moins quand ça l’arrange.
Le 3 novembre à Saint-Trond-Charleroi, le match est arrêté suite à un fumigène craqué par les supporters carolos. Faut-il estimer que c’est moins grave car cela s’est produit en première mi-temps ? Les Zèbres feront 1-2 avant d’encaisser l’égalisation. Score final : 2-2. Et tout le monde est content ? Une amende et basta.

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Deux bons mois avant ce match, un fan de Charleroi avait balancé un feu de bengale dans la tribune de supporters du Standard à Sclessin (voyez la vidéo ici).  Alors que le Sporting este en justice avec un ténor du barreau pour « le bien du football belge », Pierre-Yves Hendrickx, directeur administrateur du Sporting déclare alors : « Le règlement de la Pro League prévoit des poursuites si les agissements des supporters ont provoqué l’arrêt du match ou que l’on a déploré des blessés. Or, ce n’est pas le cas. »
Traduisez, c’est pas grave, y’a pas mort d’homme, circulez y’a rien à voir ! Et cette semaine, dans sa plaidoirie de la 2e affaire Charleroi-Standard, l’avocat du Sporting, me Mayence, y va d’un solennel : « N’attendons pas un drame ! » Donc, selon les circonstances, le discours varie. D’un côté : pas de blessés, donc pas de sanction. De l’autre, « n’attendons pas un drame » pour obtenir que les Liégeois ne gardent pas les trois points qu’ils étaient en train de conquérir. Féérie de Noël, magie de la plaidoirie.

Parquet glissant et mal ciré

Plus fort. Pour le feu de bengale balancé dans une tribune à Sclessin, Charleroi recevra néanmoins une amende de… 500 euros. Argument ? Accrochez-vous : le rapport de ce match delegate était incomplet, pour ne pas dire bâclé. « J’ai effectivement l’impression que ce dossier n’est pas complet. Ou du moins pas très lisible », selon le Procureur. « Je ne peux donc proposer qu’une amende comme sanction… » Et ce, même si les images du fait incriminé – indiscutable – ont été projetées en séance.
Ha ! Or, pas plus tard qu’hier, le même parquet, en appel, continue de requérir deux matches à huis-clos contre le Standard pour un pétard lancé en bord de terrain en fin de 1ere mi-temps. Si le fait isolé est repris dans le rapport du délégué, celui conclut sur le bon comportement des supporters. Les poursuites n’ont donc, selon le Standard, aucune raison d’êtres.  Mais non, le parquet s’entête.
En résumé, pour un fait potentiellement grave d’un côté, l’autorité argue d’un rapport incomplet pour infliger une sanction ridicule. De l’autre, c’est directement du huis-clos pour un fait bénin repris en sus d’une bonne note dans le rapport du délégué du match. C’est sublime, non ?

« Je suis extrêmement fier de mes supporters »

Et juste pour rappel, en avril 2015, trois mois après le fumeux tifo Defour, lors d’un autre faux derby wallon, les ultras carolos se fendaient de banderoles telles que :

  • « Ultras islamistes, les seuls à décapiter, c’est vous« 
  • « Standard, Sankt Pauli, Hapoel, Den Bosch: la consanguinité nous rapprochent « 
  • « T’as la syphilis, je suis sans-papiers, je suis UI96« .

A l’époque, Mehdi Bayat, invoque sur la RTBF la ‘liberté d’expression’ et déclare « ça ne me choque pas plus que ça. Elle est quand même largement moins choquante que celle qui avait été utilisée par les supporters du Standard. C’est quand même moins agressif que de voir une tête décapitée, soyons logiques. Maintenant, je n’ai pas à cautionner. Je suis dirigeant. J’essaie de faire avancer le Sporting de Charleroi, les supporters mettent l’ambiance dans le stade. Chacun sa méthode, sa manière. En tout cas, moi, je suis extrêmement fier de mes supporters.  La mentalité Ultra, c’est quelque chose qu’on essaye de comprendre, d’analyser. Je crois que la liberté d’expression existe pour tout le monde. Elle existe pour des journalistes. Elle existe aussi pour les supporters. Que je l’approuve ou pas, ce n’est pas mon rôle, c’est la liberté d’expression. Maintenant c’est vrai que dans le contexte actuel, utiliser des mots aussi lourds que celui-ci (islamiste, ndlr)… Effectivement, ils auraient pu choisir un autre mot, autre chose. Encore une fois, je crois que c’est de bonne guerre. Il y a un match dans le match entre les Ultras d’un côté et les Ultras de l’autre côté. On n’a pas à s’exprimer par rapport à cela »
Dont acte. Ces propos de la bouche de quelqu’un  qui affirme aujourd’hui avoir « fait beaucoup pour le football belge »… Le lecteur jugera.

Le Standard et Charleroi traînent de lourds antécédents en matière d’incidents. Mais ce qu’il est en train de se passer est extrêmement grave en matière d’équité. Et il ne se trouve pas grand monde pour dénoncer cet état de fait. La crédibilité des instances de l’Union belge est mise à mal par ce genre de ‘2 poids 2 mesures’. Etonnez-vous, ensuite, que le Standard se montre procédurier et soit finalement prête à remettre en question, devant la justice civile, des règles interprétées à la tête du client.
Certains clubs ont la prétention de ‘défendre l’intérêt du football belge’. Ce n’est pas comme ça qu’ils y arriveront…

bilan

A propos bendupuis

Passionné d'actu, de sports et de lectures historiques. For the rest, who cares ?
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10 commentaires pour Pourquoi il y a deux poids deux mesures

  1. bendupuis dit :

    tahamata60 ‏@tahamata601 30 sil y a 31 secondes

    @BenDupuis @Standard_RSCL Relisez les arrêtés! Ils arrivent même à faire « sauter » le sursis 2 fois! 7 plus de l’amour 7 de la rage! #COYR

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  2. Lapiere dit :

    Entièrement d’accord sur le fond, un petit bémol sur la forme… Le Match Delegate a bien notifié dans son rapport un pétard et un feu de bengale – au point de corner, précise-t-il, et hors de la présence de joueur – lors du match à Malines. Le vrai souci est qu’aucune image vidéo n’atteste de ce feu de bengale et que, si on entend un pétard, il est resté en tribune. Et qu’enfin, le même Match Delegate a conclu ce même rapport sur une bonne note concernant le comportement des supporters.

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  3. Lapiere dit :

    Ça commence un peu à bouger dans la presse (un peu, hein… seulement un tout petit peu)

    Le Soir (papier) de ce jour : « Pour toutes les personnes ayant un minimum de bon sens et sachant lire un règlement, l’affaire Malines-Standard n’aurait jamais dû exister (…). Et alors qu’on s’attendait en toute logique voir la Commission des Litiges d’appel prononcer l’irrecevabilité de la poursuite, elle préfère rendre sa décision le mardi 20. Etonnant ! (…) Pour certains, la Commission se sert de ce délai pour analyser ce qu’il va se passer… à Genk-Standard, puisque la Pro League a obligé le Standard à se déplacer avec ses supporters…  »

    FootNews (16/12) : « Le Standard (surtout) et Charleroi ont payé très cher les incidents du derby wallon: 5.000 euros d’amende pour les deux clubs, la perte des points (qui a surtout désavantagé le Standard) et deux matches à huis clos pour le club de Sclessin.
    Vendredi, la commission des Litiges examinait le dossier de Saint-Trond, dont un supporter avait lancé une boite de Red Bull pleine sur l’assistant à la fin du match contre le Club Brugeois (15e journée).
    Le referee, Lawrence Visser, avait accordé un penalty aux Brugeois dans les dernières minutes du match, qui avait permis aux champions en titre de repartir in extremis avec trois points en poche.
    Saint-Trond avait écopé d’une amende de 2.500 euros (2.000 euros + la levée du sursis sur une précédente amende de 500 euros). En appel, celle-ci a été réduite à 1.500 euros.
    Même si les antécédents de Saint-Trond ne sont pas comparables à ceux du Standard, cette nouvelle va certainement faire penser aux dirigeants de Sclessin qu’il y a clairement deux poids, deux mesures. »

    Wallfoot (15/12) :https://www.walfoot.be/fra/news/lis/2016-12-15/apres-le-match-de-la-honte-la-decision-de-la-honte Tout est dans le titre.

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  4. Stéphane Guislain dit :

    Très explicite et bien résumé Ben, tout est dit !
    Moi ce qui me pose le plus question c’est, comme tu l’as dit, « il ne se trouve pas grand monde pour dénoncer cet état de fait »…c’est ça qui me scandalise le plus !

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  5. bendupuis dit :

    Epaule contre épaule appuyé de Mbenza sur Trossard sans ballon = 2 matchs de suspension.

    Coup de coude violant en pleine face de Spajic sur Trezeguet avec ballon
    = 2 matchs de suspension.

    Briquets, bières et insultes des supporters de Genk à l’adresse d’Edmilson et des Standardmen
    = no problemo

    Un fumigène au piquet de corner pendant la mi-temps
    = deux matchs à huis clos pour le Standard.
    (source : page Facebook L’âme et la vie du Standard de Liège)

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  6. coralocean dit :

    oui, ca devient vraiment n’importe quoi, je serais curieux de savoir comment tout ca peut être justifié de manière honnête et intègre. et après on s’étonne des réactions des supporters, mais franchement trop is te veel !

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  7. coralocean dit :

    et pour ce qui est des insultes, il parait que quand c’est les flamands, c’est ludique et taquin.

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  8. bendupuis dit :

    @Louis_Genevrois 19 déc.
    @BenDupuis La situation n’a rien à voir avec celle de #CHASTA. Vous mélangez absolument tout, c’st malhonnête
    Petite réponse à ce supporter des zèbres qui m’accuse de malhonnêteté.

    Lorsque jévoque l’arrêt du match Charleroi-Genk, je parle des conséquences et de la suite des événements, pas de la cause.
    Dans le cas présent, je signale que le Sporting n’a pas argué du fait d’une déconcentration alors qu’il a gagné le match après cette interruption (imputable, qu’on le veuille ou non, à un problème d »organisation du club local qui s’en tire à nouveau bien sur le coup).
    Ce que je trouve incohérent. Karel Geraerts disait d’ailleurs à l’interview au terme de Charleroi-Standard d’octobre 2015 que « l’interruption valait pour les deux équipes ». Donc, pas de raison de se plaindre parce qu’on a encaissé deux buts à la reprise du jeu.
    Karel est malhonnête lui aussi, Monsieur Genevrois ?

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  9. bendupuis dit :

    L’équité à la belge : La commission des litiges de l’Union belge de football (URBSFA) a infligé mardi une amende de 2500 euros à Genk pour le comportement de ses supporters lors du derby limbourgeois à Saint-Trond (0-3) le 10 février dernier.

    Les supporters de Genk avaient lancé des pétards et des fumigènes au cours de cette rencontre de la 26e journée du championnat de Belgique de football.

    « Il ressort clairement du rapport du délégué de match que ces incidents ont influencé le déroulement normal du match », indique la commission des litiges. « Le RC Genk ne conteste pas les faits, mais les déplore. D’après Genk, une fouille aurait eu lieu et le responsable de la sécurité du STVV aurait été alerté que des fumigènes pourraient être introduits par quelques supporters de Genk. La commission trouve les faits graves. Dans le passé, des événements similaires ont déjà eu lieu à trois reprises. La commission prend en considération les efforts du club ».

    Genk doit payer 2000 euros pour les incidents à Saint-Trond. Les 500 euros restant viennent de la levée d’un sursis. Des incidents similaires avaient déjà eu lieu au match aller à Genk en octobre. Les deux clubs avaient écopé de 1000 euros d’amende, dont la moitié avec sursis, qui vient d’être levé dans le cas de Genk.

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